Pierre Brebiette : la grâce baroque révélée

L'ART DU MARCHÉ

Yoann Octobon

4/7/20253 min temps de lecture

Pierre Brebiette, né en 1598, on sait peu de choses de son apprentissage, hormis qu’il fut élève de Lallemand. Durant sa carrière, il fut marqué par l’Italie et notamment par l’art qu’il contemple à Venise. Actif à Rome dès 1617, il s’imprègne de la culture et notamment de la mythologie. Il y reste jusqu’en 1626 avant de rentrer en France définitivement. Habile dessinateur, nombre de ses feuilles sont reproduites en gravures et destinées à des illustrations. Pierre Brebiette s’avère également être un peintre talentueux, dont les collections françaises sont pourvues. Dans ses œuvres, les thèmes mythologiques, religieux et allégoriques sont abondamment représentés. 

Parcours et formation

BREBIETTE Pierre (dessinateur, graveur), QUESNEL Augustin (éditeur), Autoportrait, 2e quart 17e siècle, Gravure à l'eau-forte, Nancy, musée des beaux-arts

Ses feuilles, rares sur le marché des ventes publiques, suscitent l’intérêt des collectionneurs, seulement 4 résultats à dénombrer ces 5 dernières années, dont Les Géants entassent les rochers pour attaquer le Ciel adjugé 84 480 € chez nos voisins belges en janvier 2025. Dans ce dessin, toute la vigueur et la puissance technique de Brebiette s’expriment dans une gigantomachie. En avril 2025, un exemplaire de la même série a battu le record mondial d’adjudication pour l’artiste, atteignant 110 500 €. Il s’agissait d’un travail préparatoire réalisé pour la série d’illustrations du Tableau des Vertus et des Vices, Tableau des Temples des Muses, un ouvrage de l’historien et collectionneur français Michel de Marolles (1600-1681). Le dessin également réalisé à la sanguine et à l’estompe, avait pour vocation d’être reproduit en gravure par Cornelis Bloemaert pour l’édition de 1655.

Pierre Brébiette aux enchères

MAROLLES, Michel de (1600-1681) Auteur du texte, Tableaux du temple des muses tirez du cabinet de feu Mr Favereau ,... et gravez en tailles-douces par les meilleurs maistres de son temps pour représenter les vertus et les vices, sur les plus illustres fables de l’antiquité, avec les descriptions, remarques et annotations composées par Mre Michel de Marolles,..., p.13, 1655.

Rendu célèbre pour ses bacchanales, satyres et nymphes, Brebiette représente ici La Danse des Muses. Dans celui-ci, trois figures élégantes de femmes nues flottent dans les airs et semblent danser au son de la flûte. La joueuse que l’on pourrait assimiler à la nymphe Euterpe, vêtue d’un grand drapé, est couronnée d’une branche de laurier. Son regard répond à celui d’une des muses, qui semble l’inviter à rejoindre la danse.

Dans l’angle opposé, un jeune satyre semble accompagner Euterpe. Situé sur la branche d’un arbre, sa présence renvoie à la liberté et aux pulsions primaires auxquelles s’opposent les muses, garantes du savoir et de la mémoire, médiatrices entre le monde humain et le divin. Une opposition qui se remarque d’autant plus par la muse lui tournant le dos. Son attention semble davantage se porter sur l’amorino situé au-dessus d’Euterpe. Le chérubin, qui semble distribuer des guirlandes de fleurs, présente des traits caractéristiques de la production de Brebiette, notamment le modelé des chairs et les yeux en amande. Un lien palpable semble naître entre les deux sujets. Leurs mains s’effleurent, suggérant que la grâce et la volupté naissent de la ronde dont la dynamique ascensionnelle les porte dans les airs.

Description du dessin

Pierre BREBIETTE (Mantes-la-Jolie 1598 - Paris vers 1650), La danse des muses, sanguine, légère estompe 24 x 17,7 cm, collection privée.

La scène prend place dans un paysage lacustre éclairé par le haut gauche de la composition. Le premier plan, plongé dans l’ombre, donne à voir un sujet masculin que l’on pourrait apparenter à un triton. Alangui sur la berge, son attention semble portée sur la musicienne. À ce témoin rêveur répond une gerbe de roseaux dans le coté droite de la composition. Ce changement chromatique, renforcé par l’estompe à laquelle procède l’artiste, introduit le spectateur à la scène, qu’il est, comme le triton, invité à contempler.

La finesse du traitement des sujets et le modelé des chairs attirent immédiatement le regard sur les figures, mettant pleinement en valeur la maîtrise technique de Brebiette. Il s’en dégage un goût résolument baroque, où s’exprime librement le jeu des formes. Enfin, au loin, une profusion de personnages alanguis se devine. À peine esquissées dans un paysage idyllique, leurs silhouettes contribuent à accentuer la profondeur de la scène.